de flomail » 18/04/2007 20:18
j'avais posté cette interview de Manu Bertin sur DW, pour moi elle résume tout, surtout venant d'un gars comme lui, je vous la rebalance donc:
"Manu Bertin est une légende vivante du flysurf, un baroudeur qui est aussi à l'origine de nombreuses premières : grande traversée en mer ouverte, navigation dans les vagues géantes, record de vitesse, sauts extravagants, conditions extrêmes entre les icebergs au Groenland etc. Aujourd'hui, à 40 ans, et alors que le flysurf est devenu à la mode, Manu Bertin tire la sonnette d'alarme et rappelle qu'il s'agit d'un sport à risques.
par E. Tresmontant
le 01 07 02
(pris sur le site via Michelin: cliquez)
ViaMichelin : Que faut-il dire, kitesurf ou flysurf ?
Manu Bertin : Ni l'un ni l'autre. De quoi s'agit-il ? D'une planche à cerf-volant. Il faut donc dire kiteboard : kite pour cerf-volant, board pour planche. C'est le terme officiel employé aujourd'hui par les fabriquants, les compétiteurs et les journalistes sportifs. Mais quand j'ai commencé ce sport, je l'ai appelé "flysurf", car il y avait à la fois la notion de vol (le cerf-volant pouvant vous entraîner à 5 m au-dessus de l'eau) et de vague. La vague, c'est ce qui m'intéresse personnellement, mais je ne suis pas représentatif, le kiteboard se pratiquant le plus souvent en eau plate.
Comment vous est venue l'idée d'associer la voile de cerf-volant aux sensations de la glisse ?
Au début des années 1990, j'étais un professionnel du windsurf, un sport très technique et très cher à pratiquer. Le matériel était lourd et encombrant. Beaucoup ont arrêté le windsurf pour cette raison. Moi, je n'avais pas envie d'arrêter, j'ai donc trouvé un moyen de simplifier et d'alléger ce sport en ayant recours au cerf-volant. Cette idée n'est pas récente, puisqu'à l'origine, en 1960, les inventeurs de ce qui allait devenir la planche à voile utilisaient déjà un cerf-volant ! L'idée était là, il manquait la solution technique.
Quelles sont les sensations en kiteboard ?
Au lieu d'avoir une voile sur la planche on a une voile qui vole, ce qui évite d'avoir un mât encombrant. Ensuite la planche est beaucoup plus petite, pour des raisons de performances. Mais il y a moins de flottabilité et l'exigence sportive est donc plus grande, surtout quand il y a des vagues. Ce qui distingue vJraiment le kiteboard de la planche à voile, c'est la notion de pilotage : il faut apprendre à piloter, c'est ce que les médias et les fabriquants oublient de dire aux débutants ! Beaucoup de gens viennent du windsurf avec un manque d'humilité, ils pensent que le kiteboard c'est évident, que c'est comme piloter un cerf-volant sur la plage. À la différence qu'au moindre coup de vent, ce cerf-volant peut vous emporter comme un fétu de paille et vous propulser contre un obstacle (digue, bouée, bateau, surfeur, etc.). Un accident de ce type vient de se produire en Allemagne au cours d'une compétition, "Les masters du kite".
Le kiteboard est donc un sport à risques ?
Oui, c'est pour ça que je n'approuve pas la médiatisation qui en est faite aujourd'hui. Les conseils de prudence sont très difficiles à faire passer, car les médias, les fabriquants, la Fédération Française de Vol Libre elle-même (FFVL) occultent cette dimension du danger pour des raisons économiques et aussi pour des raisons intellectuelles. Pour appréhender le danger, il faut une démarche intellectuelle, ce qu'Eric Tabarly appelait "le sens marin" : l'analyse du plan d'eau, des conditions météo, l'anticipation de ce qui peut se passer, etc.
Pratiquer le windsurf ne signifie donc pas que l'on est apte à pratiquer le kiteboard ?
Non, c'est même plutôt un handicap, car il faut se débarrasser de certaines habitudes. Quand il y a trop de vent ou un obstacle, le windsurfer peut lâcher sa voile instantanément. En kiteboard, c'est impossible car tout va trop vite. Les accidents se produisent souvent dans les vents forts.
Quels sont donc vos conseils pour bien débuter ce sport ?
Le kite procure des sensations euphorisantes : au bout de 2 semaines vous pouvez voler à 5 m au-dessus de la mer ! Ce sont des sensations extraordinaires et certains en perdent même le sommeil. Or il faut être vigilant et ne pas oublier qu'il y a aussi des règles à respecter, qu'en prenant des risques pour soi on fait courir des risques aux autres (notamment aux enfants qui sont sur la plage). La première règle est la formation : apprendre à maîtriser le pilotage de l'aile sur la terre ferme avant d'aller sur l'eau. Ensuite, choisir un lieu absolument vierge, sans obstacles, sans surfeurs et sans baigneurs.
Existe-t-il des écoles ?
Oui, heureusement, mais pas assez rigoureuses à mon sens. En France, le kite a été récupéré par la FFVL, ce qui est contestable car il s'agit avant tout d'un sport marin et pas seulement d'un sport aérien.
Au fond, vous êtes en train de nous dire que le kiteboard n'est pas un sport grand public !
Exactement ! Tant que toutes les conditions de sécurité ne seront pas respectées et qu'il y aura des accidents, je militerai pour que ce sport reste marginal car je me sens responsable. Il faut qu'il y ait un vrai brevet d'État et que ce sport soit interdit dans les endroits dangereux, sauf dans certaines zones sécurisées. Ce que je dis n'est pas fun, ça ne fait pas vendre, mais tant pis ! Je veux provoquer un débat, réunir autour d'une table les dirigeants de la FFVL, les fabriquants, les revendeurs, les journalistes."